DE VOUS AIEUX, en passant par moi !

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E comme Epitaphes

Qui dit monument aux morts dit épitaphes. Certains préfèreront le terme "dédicaces" à celui d' "épitaphes".

Pour être certain que je ne commets pas d'impair autant aller comparer les définitions des deux mots.

 

Qu'est ce donc une épitaphe ? Une épitaphe est une inscription funéraire. Jusque là on est bon !

Car on va bien parler d'inscriptions funéraires. Mais une épitaphe désigne également le support qui porte cette inscription (marbre, stèle....) et par extension un monument....aux morts.

 

Quant au mot  "dédicace", il y a trois définitions :

 

  • 1." C'est d'abord un hommage qu'un auteur fait de son œuvre à quelqu'un en la lui dédiant par une mention imprimée en tête du livre." 
  • 2. C'est également la formule qu'une personnalité (en particulier un artiste, un auteur) écrit sur une photo, un ouvrage qu'elle offre à des admirateurs.
  • 3. C'est aussi la consécration d'un édifice destiné au culte ; fête annuelle en mémoire de la consécration d'une église."

 

Les 3 définitions peuvent très bien convenir à nos monuments aux morts.

 

Premièrement,  un monument aux morts est bien un édifice pour rendre hommage. Ici dans le cas présent la commune, la Nation , la Patrie rend hommage à ses morts victimes civiles ou militaires.

 

Deuxièmement, on y trouve bien inscrit  "une formule" . (A nos enfants ....) . Certes le support n'est ni une photo ni un ouvrage mais c'est un support.

 

Enfin, les monuments aux morts sont bien des édifices destinés à un culte qui se veut avant tout républicain et laïc et dont la fête annuelle  a été fixée au 11 novembre (...puis le 8 mai etc).

 

Si "dédicaces" semble plus précis, "épitaphe" peut donc également convenir. 

 

Et puis quelque part ça m'arrange, la lettre "D" ayant déjà été traitée dans un précédent article.

 

Les différences étant ténues, j'utiliserai l'un ou l'autre terme

 

Revenons donc à nos épitaphes !

 

Elles sont présentes sur la quasi-totalité de nos monuments.

 

B.RIVALS dans son ouvrage (1) distingue une bonne dizaine de typologies de dédicaces* :

 

  • Les "sobres" : "A nos morts" "A nos enfants"
  • Les "épico-héroîques" : "A nos héros " A nos glorieux soldats".....et leurs variantes
  • Les "déclaratives" : "A nos braves qui ont donné leur vie pour la Patrie. Que leur sacrifice ne soit pas vain !"
  • Les "patriotiques" : "Morts pour la mère Patrie" 
  • Les "interpellatives" : "Vous qui passez ici, arrêtez vous et saluez la mémoire de ceux...."
  • Les "historiques" : "A ceux qui sont tombés au champs d'honneur comme Jeanne d'Arc ils ont su libérer la France du joug de l'ennemi....."
  • Les "religieuses" : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donne sa vie pour ceux qu'on aime (Saint-Jean, XV)
  • Les "pacifistes" : "Maudite soit la guerre" est la plus connue.
  • Les "poétiques" : "Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie, Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie" (Victor Hugo, "Hymne". Les chants du crépuscule).
  • Les "latinisantes" : "Pro Patria" "Requiescat in pace" (2)
  • Les "régionalistes" : Leun a c'hened, a yaouankiz int zo mari'vit ar frankiz cant oc'h evor miromp'n hon chreiz karante franz, karante breiz" (3)
  • Les "inclassables" : " Aux veuves et aux orphelins de....."

 

Tout en reprenant cette classification, j'ai voulu aller voir de plus près ce qu'il en était dans mon département de résidence (les Côtes d'Armor).

 

Je n'ai pas eu à me déplacer, la base de données de l'Université de Lille 3 m'a bien aidé. Elle  recense à ce jour 454 monuments. pour ce département.

 

J'ai dû me  limiter pour mon étude   exclusivement aux  monuments "civils" ayant "pignon sur rue" en excluant tous les autres.

 

En Bretagne, nous trouvons très fréquemment des monuments ou plaques commémoratives dans les églises.

 

Cela représente tout de même quelques centaines de monuments !

 

Dans les Côtes d'Armor on a plutôt choisi la sobriété donc la première catégorie. Généralement un obélisque avec une phrase générique "Aux enfants de...." La sobriété est bon marché

 

Dans l'ensemble "A nos enfants / Aux enfants de " a été préféré "A nos morts ou Aux morts de".

 

Dans de très rares cas le mot "enfants" a fait place à celui. de "fils"..

 

Le choix d'"enfants" n'est pas le fruit du hasard. Il fait appel à la notion de famille et de communauté mais ce sont également "les enfants de la Patrie" de notre Marseillaise.

 

Dans les Côtes d'Armor on est mort davantage pour la France que pour la Patrie. 

 

Rien de plus logique puisque "Mort pour la France" est le terme officiel requis et reconnu.

 

La Patrie est un terme beaucoup plus fort en terme d'appartenance à la terre de ses ancêtres, le pays d'où l'on est originaire et qui nous est cher, la nation ou la communauté politique à laquelle on appartient. C'est le pays dont on se sent étroitement et affectivement lié par l'histoire, la langue, la culture, les traditions, les habitudes de vie. C'est la cohésion nationale que l'on célèbre.

 

Plus rarement on meurt " Au champ d'honneur".

 

A La Ferrière (22) on rend hommage " A nos anciens combattants" associant ceux qui sont revenus et ceux qui ne sont plus.

 

On va inévitablement retrouver le poème de Victor Hugo à Lavallay, Trédrez, Locquineau, Trévérec., Binic, Corseul...(voir plus haut)

 

A Pordic on dédie le monument "Aux braves qui ont donné leur vie pour la défense de notre patrimoine national" 

A St Jacut et St Maudez on associe les morts de toutes le guerres.

 

A Tréveneuc c'est une  une citation latine que l'on a gravée dans le marbre  " In hoc signo vinces" (Par ce signe, tu vaincras" célèbre expression latine attribuée à  l’empereur romain Constantin(4).

 

Le latin est présent également à  Loscouet, avec le traditionnel " Requiesca(n)t in pace" (Qu'ils reposent en paix !). 

 

A Lamballe, Plélo et Quintin, on ménage les susceptibilités et  on honore les morts qui se sont battus "Pro Déo. Pro Patria"" (Pour Dieu et la Patrie).

 

A Languenan on préfère "Plutôt la mort que la souillure" qui est la devise des bretons.

 

Les monuments avec une épitaphe en breton sont très minoritaires et pourraient être des créations modernes. Rien de plus normal, nous sommes dans  les années 20 et depuis 1902, la République  qui se veut une et indivisible s'acharne dans un souci d'unité à proscrire le  breton au profit du français.

 

A Hillion, Plougrescant et Saint-Nicolas-du-Pelem on exhorte le passant "A ne pas les oublier" !

 

A Trézeny et à Troguéry et Lanmodez on a préféré  graver la devise du "Souvenir Français"  : "A nous le souvenir, A eux l'immortalité".

 

Sans qu'on sache pourquoi, à Lanrivain cette devise devient : "Pour nous le souvenir. Pour eux l'immortalité"

 

Pour terminer, je citerai volontiers l'inscription sur le monument de Trébeurden en mémoire des victimes des guerres 39/45 , Indochine et Algérie.

 

"Nos fils n'ont pas cru l'étranger

Ils ont préféré le danger."

(Aragon)

 

22trebeurden1_555063fe5c0a8 (1)

 

Auteur : Philippe SAGET 

 

 

 

* Pour les besoins du propos, la quasi -totalité des formulations sont inventées.

 

 

(1) "Quand les Monuments aux Morts racontent la grande guerre". Editions YSEC. 2019

(2) "Repose en Paix (RIP)

(3) "Pleine de beauté, de jeunesse, ils sont morts pour la liberté. Tant que nous sommes brûlés en gardant notre coeur. Amour de France, amour de Bretagne

('4) en 312, lors de la bataille du pont Milvius, ce dernier aurait eu une vision : cette expression lui serait mystérieusement apparue dans le ciel accompagnée du chrisme (croix à six branches). Le signe dont parle cette expression est donc le chrisme, forme de croix chrétienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



06/11/2023
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