DE VOUS AIEUX, en passant par moi !

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Fusillés mais vivants !

 Il est 15H00 ce 21 mai 1940 dans le petit bourg de Simencourt (Pas de Calais) situé à quelques kilomètres d'Arras et tout semble calme.

 

VUE-AERIENNE.jpg

source : site officiel de Simencourt

 

Ce calme n'est qu' apparent car depuis le 10 mai les Allemands ont lancé une offensive générale à l'Ouest contre les Pays-Bas, la Belgique , le Luxembourg et la France.

Très vite les forces néerlandaises se trouvent submergées et capitulent dès le 15 mai.

Le 14 mai le front français est enfoncé  à Sedan, le 17 les Allemands prennent Charleroi et Bruxelles et le 21 mai ils sont à Amiens et à Arras.

Et pourtant en ce mois de Mai 1940, la résistance des forces françaises et anglaises est bien réelle et  les lourdes pertes qu'elles infligent aux Allemands vont provoquer des représailles de la part de certaines unités de la Wehrmacht. (1)

Malgré tout, les anciens du village commentent l'avancée éclaire des Allemands :

"Les boches nous ont refait le coup de 14 !"

Tout le monde se prépare à fuir devant l'ennemi car les boches n'ont pas laissé que de très bon souvenirs dans ce Pas de Calais qui portent encore les cicatrices de la Première Guerre Mondiale.

Il est 15H30 lorsque les chars français des 2ème et 3ème Compagnies du 13ème Bataillon entrent dans le village et décident de mener une reconnaissance.

Au même moment, une colonne de blindés allemands pénètrent également dans le village en sens inverse et l'affrontement  entre les deux unités ennemies devient inévitable.

Un char français fait feu et plusieurs véhicules allemands sont détruits , mais les tankistes français se retrouvent très vite submergés et  bloqués.

Les deux français s'extirpent du tank et arrivent à s'échapper pour se réfugier dans une des fermes environnantes.

Si je vous parle aujourd'hui de ce fait de guerre, c'est parce qu'il se passe à quelques mètres de la ferme  Jean SIMON.

Jean SIMON a 62 ans en mai 40, il est marié à Zulmée PETIT depuis 1904 avec laquelle il a eu deux enfants : Benjamin né en 1905 et Paul né en 1906. Il exploite la ferme familiale située rue de moulin qu'il a héritée de son père Charles et de sa mère Hermance CAILLERETZ tous les deux décédés.

 

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source : site officiel de Simencourt

Et les boches, il a déjà donné ! Mobilisé en août 14, il est fait prisonnier en octobre de la même année et ne reverra les siens qu'en Janvier 1919.

Ce 21 mai, ce que ne savent pas encore Jean SIMON et les habitants de Simencourt,  c'est que les allemands auxquels ils vont avoir affaire et qui vont  bientôt se déchaîner pour  retrouver les deux tankistes français font partie de la tristement célèbre Division SS "Totenkopf".

 

La suite de l'histoire c'est Marie SIMON-LE POT sa belle fille qui nous la raconte :

 

« Après le tir du tank français sur le convoi allemand qui montait vers Wanquetin où il y avait de nombreux tués et blessés,  une soixantaine peut être, le calme est revenu. Vers le soir, des soldats allemands sont venus visiter les habitations, ils étaient furieux, et ils criaient : « où sont les français ».

Nous ne savions pas que les tankistes français s’étaient enfuis. Dans la maison, nous étions  une vingtaine de personnes, hommes, femmes et enfants. Ils nous ont fait sortir, nous ont alignés contre le mur de la ferme et nous ont fouillés… Ils ont fait rentrer les femmes et les enfants et ont fait fermer les volets. Ils ont ensuite emmené les hommes en face d’un bac abreuvoir pour chevaux qui se trouvait au milieu de la cour et ont tiré des coups de feu. Il y eut des morts et des blessés. Des hommes pris dans les maisons proches et un voisin, Albert Delattre, père de 4 enfants, furent eux-aussi amenés là, et abattus. Louis Coin fut gravement blessé.  Jean Simon mon beau père a vu à temps l’arme dirigée vers lui, a pu se détourner et la balle ne lui a traversé que l’oreille. Roger Lepot a reçu une balle dans l’épaule et, en tombant s’est cassé le bras. Louis Dumazy fut blessé à la cuisse.  Lucien Cuvillier et César Milot de Dainville, en se voyant visés ont fait le mort. » (2)

 

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source : R.BAUDE dans "Mémoire de l'Académie d'Arras" 1955-1959.

     Imprimerie centrale de l'Artois, Arras, 1960. In-8, broché, 110 pp.

 

Après la fusillade, les survivants  ont  passé plusieurs heures sous les corps de leurs compagnons morts, avant de pouvoir sortir. Ils ont attendu la nuit pour s'échapper.

Louis COIN n'a pas survécu à ses blessures et est morts quelques jours après.

Quant à Lucien CUVILLIER comme Jean SIMON, ils sont morts dans leur lit quelques années plus tard !

 

Les Allemands ne mettant toujours pas la main sur les deux tankistes, les exactions ont continué de plus belle et le soir du 21 mai, Simencourt comptait ses morts et ses blessés ; 25 bâtiments étaient en feu  dont la grange de Jean SIMON.

 

(Mai 2014)

 

 

Remerciements à M. Thierry LESUR pour sa collaboration et son aide.

 

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(1) L'âpreté de la résistance alliée, les pertes importantes qu'elle entraîne, et ce pour la première fois depuis le début des opérations à l'Ouest, provoquent des réactions de rage de certains éléments de la Wehrmacht et surtout de plusieurs unités SS qui  accompagnent les divisions blindées.

Déjà le 21 mai, au moment de la bataille d'Arras, les SS Totenkopf, au visage barbouillé de suie, marquent leur passage en abattant des civils à Simencourt et à Mercatel  ; le 22 mai, les mêmes se déchaînent à Mingoval (10 exécutions), à Berles Monchel (45 tués), puis à Aubigny en Artois où 98 personnes sont assassinées après un accrochage avec des soldats anglais ; le 23 mai, 23 civils sont exécutés et leurs corps brûlés au Pont du Gy (commune d'Etrun)..."

"Au total, plus de 600 civils et prisonniers ont été abattus par les Allemands dans le Nord-Pas de Calais à la fin du mois de mai 1940 : on est loin de l'image de la guerre fraîche et joyeuse..."[[/b]/i]

 

(  source : la guerre 39/45 dans le Nord-Pas de Calais (Etienne DEJONGHE + Yves LE MANER ; editions La Voix du Nord).

 

(2) rapporté par le docteur R.BAUDE dans "Mémoire de l'Académie d'Arras" 1955-1959.

     Imprimerie centrale de l'Artois, Arras, 1960. In-8, broché, 110 pp.

 

 

 

 

 

 

 

 

 



02/05/2014
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