DE VOUS AIEUX, en passant par moi !

Qui dit monument aux morts dit bien évidemment morts.

Mais sur quelle base la liste des morts qui figurent sur les monuments a- t-elle été établie ?

Monument de Plouezec (22) auteur : Roland FAVROL

Pour ma part, j'ai toujours pensé que cette liste émanait des "Livres d'Or" des communes des soldats ayant été reconnus "Morts pour la France".

Sauf qu'à y regarder de plus près la liste des MPLF(1) sur le monument aux morts et celle qui figure sur la liste communale peuvent diverger.

En principe dès 1914 la  qualité  de "Mort Pour La France" est attribuée par le Ministère de la Guerre qui tient à ce sujet le funeste décompte et a la maîtrise d'un fichier de tous les soldats honorés de cette mention et qui répondaient à des critères précis

Seules les personnes décédées entre le 2 août 1914 et le 24 octobre 1919,  sont susceptibles de l'obtenir.

La date du 24 octobre 1919 a été retenue comme date officielle de la cessation des hostilités.

Dès le  25 octobre 1919 une loi est promulguée « relative à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande guerre ». L'État lance le principe  d'un grand  Livre d'or comprenant les noms de tous les soldats tombés au champ d'honneur. Ce LIvre d"or  serait déposé au Panthéon. Devant la complexité de la tâche et le coût de l'opération, le projet a été abandonné.

Néanmoins, c'est le ministère des Pensions qui a été chargé d'établir la liste officielle des MPLF par commune. Une fois établie, cette liste était envoyée aux maires pour validation et amendement éventuel.

Sauf que cette liste a été finalisée en 1929 alors que la plupart des communes avaient déjà édifié leur monument aux morts. Pour mémoire la quasi totalité des monuments ont été construits entre 1921 et 1924. D'où le décalage entre "la liste communale officielle" et celle du monument.

En théorie, pour pouvoir figurer sur le monument de la commune , le soldat devait y être né ou y résider au moment de la mobilisation de 14.

C'est le donc le maire qui a eu la maîtrise de la liste lors de l'édification du monument d'autant plus qu'il devait certifier le nombre de morts auprès de la Préfecture pour pouvoir prétendre à des subventions.

Il y a eu nécessairement des oublis mais également des doublons. En effet on peut retrouver des MPLF sur plusieurs monuments communaux : celui du lieu de naissance et celui de la résidence en 1914.

On m'a cité récemment le cas d'un soldat figurant sur cinq monuments différents

Parfois c'est le lieu de résidence qui a été privilégié à la demande de la famille ou vice-versa.

Certains auteurs avancent même qu'il y aurait pu avoir "des arrangements locaux", certaines communes n'hésitant pas à "ratisser large" pour avoir un gradé sur le monument.

A Plouezec (22), le Cercle Généalogique du Goélo a fait tout un travail de recherches sur les poilus figurant sur le monument. Aujourd'hui 6 noms sont encore une énigme. On ne sait toujours plus pourquoi ils figurent sur le monument de la commune. Ils n'étaient ni nés, ni domiciliés dans la commune.

Il existe également des monuments commémoratifs dans les églises et là aussi si on croise les deux listes on va trouver des différences notables. Ces monuments quand ils existent ont été financés par la communauté paroissiale et ne figurent sur ces derniers que les noms dont les familles ont souhaité qu'ils y soient inscrits.

En définitif, il n'y avait aucune règle stricte pour qu'un MPLF se retrouve sur le monument aux morts de la commune. Cela relevait de l'initiative du maire et du conseil municipal. De sorte que la liste qui figure sur le MAM n'a rien d'exhaustif,  ni rien d'officiel !

Quelques oublis ont pu être réparés lors du centenaire de la guerre 14/18 mais cela reste à la marge. mais s'agit-il nécessairement d'un oubli ? Faut-il toujours refaire l'histoire ?

A l'occasion du centenaire, des communes ont rajouté des noms sur leurs monuments alors qu'ils figuraient déjà dans d'autres communes !

Pour mémoire, jusqu'il n' y a  pas très longtemps les fusillés pour l'exemple n'y figuraient pas.

Un article de Slate rapporte le cas de Marcel Brillant mort en 1915 qui ne figurent sur aucun monument car son père pacifiste convaincu a refusé que le nom de son fils apparaisse sur un quelconque monument.

Sans compter sur les erreurs de transcription dans les patronymes, les prénoms, les dates de naissances, les lieux de décès en raison d'homonymies,

Le Livre d'Or de la commune, la liste figurant sur le MAM(2), le site "Mémoires des hommes", la base de donnée de "MémorialGenWeb", les recensements de 1911 quand ils existent, les registres de l'Etat-Civil sont autant de sources qu'il faudra nécessairement croiser pour prétendre à l'exhaustivité.

(1) MPLF : Mort Pour La France

(2) MAM : Monument aux Morts

sources

Les livres d'Or site des Archives Nationales

Le portail France Archives